On dit que le Silence est d’or… mais il ne faut en oublier le pouvoir tout aussi précieux de la Parole.
Si celle-ci mène parfois à bien des discordes, son but en est toujours l’exact contraire : la compréhension. Qu’il s’agisse de se faire comprendre, de se comprendre, ou de s’entendre.
Si elle est devenue un outil humain des plus sophistiqués grâce à ses quelques millénaires d’évolution, la Parole n’en est pas moins un appareil délicat, complexe, dangereux, qu’il convient de manier tantôt avec prudence et habileté, tantôt avec courage et témérité.
Parfaitement cibler l’équilibre que son maniement requiert, revient à devenir son maître. Une tâche difficilement accessible à tous, pourtant tous la possède.
La manoeuvrer est déjà une entreprise tortueuse, le chemin s'obscurcit d’autant plus une fois lâché par son maître, son impact est alors hors de la portée de celui-ci, ne lui appartenant plus, laissant l’interlocuteur dans la liberté absolue de son interprétation.
Edmond Wells éclaircissait toute la complexité de l’emploi de cette dernière dans Encyclopédie du pouvoir relatif et absolu :
« Entre ce que je pense,
ce que je veux dire,
ce que je crois dire,
ce que je dis,
ce que vous avez envie d’entendre,
ce que vous croyez entendre,
ce que vous entendez,
ce que vous avez envie de comprendre,
ce que vous comprenez,
Il y a dix possibilités pour que nous ayons des difficultés à communiquer, mais essayons quand même… »
Ainsi libérée, n’appartenant plus à son maître dépourvu de toute emprise sur celle ci, abandonnée au dépens de chacun, armée de la seule force probante des mots choisis, du poids de leur portée, de la vérité qu’elle transcende, de l’éloquence de sa prononciation, de l’élégance de sa forme, ni plus ni moins.
La Parole sert donc à dire. Mais si la diction n’engage que nous, la compréhension, elle, requiert l’ouverture d’esprit et l’attention d’en face. Mais ces deux constituants fréquemment absents, les mots sont balayés dans les airs, l’esprit est frustré.
Seulement la Parole est le premier outil de l’Homme en cette société, mais celui-ci, bien consciencieux de son pouvoir, étouffant son but premier, s’en sert égoïstement, n’attendant pas l’écoute à laquelle elle est destinée, mais uniquement son absorption des pauvres esprits.
La politique de nos jours ne saurait mieux l’illustrer, reflet de nos relations plus intimes, sociales, surtout familiales …
Pourtant je me suis rappelée de sa mission. Longuement maltraitée par nos bouches, certes, la Parole en tout premier ne sert à d’autres oreilles que les siennes…
Poser les mots est nécessaire… impératif, urgent ! Pas pour autrui… ceux dont les oreilles sont bouchées n’auront que faire de l’éloquence la plus envoûtante, de phrases vives, de verbes élégants, de vérités grandioses… si la Parole est libératrice elle ne l’est que pour celui qui la prononce.
Alors parlez. Affûtez votre Parole, polissez là, aiguisez là, grandissez là, faites la briller, élevez là à la hauteur de votre Vérité. Il nous appartient de nous libérer par elle, à personne d’autre ce pouvoir n’est confié.
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